Je suis totalement fascinée par la profonde transformation qu’on observe actuellement au plan des rapports humains. Il ne se passe guère une journée où je ne sois frappée par la formidable incursion du numérique dans nos interactions sociales, familiales, amoureuses, et aussi dans notre rapport au savoir, à la connaissance. Si certains dénoncent haut et fort le déclin des «vraies» relations au détriment de celles qui se nouent et s’entretiennent via le Web, je vois plutôt le numérique comme un vecteur d’enrichissement considérable. À condition – bien sûr et comme en toute chose – d’en tirer parti intelligemment.
Il me plaît parfois d’essayer d’imaginer à quoi aurait ressemblé mon adolescence si j’avais vu le jour en 1998. Plutôt que de rêver d’un scooter pour mes 16 ans, j’aurais réclamé un iPhone 5. Au lieu de ces innombrables petits messages pliés qui circulaient en classe et lors des récréations (salut, Véro!) j’aurais reçu des textos plusieurs fois par heure sur ledit iPhone 5. J’aurais possiblement fréquenté Wikipedia plutôt que la bibliothèque municipale. Et ce garçon trop timide pour m’aborder aurait peut-être osé manifester son intérêt sur le «Spotted» de mon école polyvalente. Les temps ont bien changé. Et vite, à part de ça.
#quesontlesrelationsdevenues
Me voici plutôt, la trentaine bien sonnée, totalement accro aux médias sociaux, connectée à 310 amis Facebook et abonnée à je ne sais combien de pages, raffolant de ces possibilités offertes par le numérique et impatiente de voir ce que demain nous apportera. Je gère même quelques communautés, deux sites Web, une chaîne Youtube…
Mais revenons à l’aspect relationnel. J’apprécie tout particulièrement deux choses typiques de notre époque. D’une part, le Web me permet de savoir ce que devient une amie établie dans une autre région – allô Annie! – et dont, autrement, je n’aurais que peu ou pas de nouvelles. Qui envoie encore des lettres et cartes postales de papier, maintenant? Ça permet un «suivi», donc, d’une relation ou d’un intérêt qui existe en-dehors du numérique. D’autre part, le Web me donne l’occasion de faire la connaissance de gens ou de groupes qui autrement me seraient restés étrangers. Des blogueurs – dont l’identité ne se résume évidemment pas au fait qu’ils tiennent un blogue! 😉 – et des «amis des amis», par exemple, mais aussi des communautés d’intérêt.
Et parfois, j’ai le plaisir de rencontrer en personne quelqu’un que je ne connaissais que par le Web – coucou Caroline! La boucle est alors bouclée.
ParadHOAX?
Et, pourtant, pas l’ombre d’un iPhone 5 (ni même d’un 4, 3, 2 ou 1!) dans mon sac à main. Paradoxal, pour une geekette comme moi? Peut-être un peu. Si mon ordinateur n’est pas ouvert, mon existence numérique est temporairement suspendue. Mais voyez-vous, cela s’avère le plus souvent une bonne chose…
J’aime le fait de pouvoir ainsi «disparaître» quelques heures, voire quelques jours. Ça m’oblige à renoncer à l’envie de tout voir, à balancer par-dessus bord la peur de manquer une nouvelle, une publication, une occasion de «J’aimer» ou de @Retwitter. Angoisse postmoderne!
C’est vrai, quoi. Il est facile de devenir un peu compulsif et d’aller «voir son Facebook ou son Twitter» aux 5 minutes… Est-ce que c’est votre cas, à vous aussi? J’apprécie – plus encore, je cultive comme un bien précieux – la liberté de m’évaporer de cette noosphère numérique comme bon me semble, pour y revenir quand je suis prête. Même si cela passe par la non-possession d’un téléphone intelligent. Peut-être suis-je une sorte d’anomalie, un hoax, une espèce en voie d’extinction. Ou, tout simplement, une personne avec ses propres contradictions, comme tout le monde.
Humanité 3.0
Être ainsi connectée à une multitude d’autres êtres fait-il de moi une meilleure personne? J’ose croire que cette caractéristique est une extension de ma propre personnalité, tout simplement. Ça me permet d’exprimer ma sollicitude à l’ami qui ne «file pas» (je l’aurais ignoré s’il ne l’avait pas manifesté dans son statut Facebook) ou de manifester mon soutien à cette autre amie qui reprend sa vie en main. Ça me permet aussi de réagir à des idées et d’apprendre à exprimer clairement ma pensée dans des conversations virtuelles. Ça me permet d’aiguiser mon esprit critique en choisissant ce que je veux retwitter ou partager aux gens qui me suivent sur les médias sociaux.
Et de me retirer, parfois, comme on se retire d’une soirée lorsque l’on est fatigué.
J’ai déjà entendu (ou lu?) quelque part que Internet est comme un gros buffet et qu’il faut apprendre à «consommer» avec discernement, sinon on risque de se perdre un peu dans cette abondance. Il faut apprendre à se respecter tout en respectant les autres. Nouveaux codes, nouvelle éthique. Du @ au #. Une nouvelle forme de civilité, quoi – bonjour Laurent!
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Au final, je suis certainement mieux informée et «réseautée» que je n’aurais pu l’être avant (avant Internet, s’entend), ce qui peut s’avérer très intéressant dans mon domaine… mais qui est aussi, tout simplement, formidablement enrichissant pour un être humain du nouveau millénaire. J’assume mon humanité numérique. Et vous?