Vino, musica e gastronomía

Immersion dans la culture italienne… à Québec

Un jour, j'irai là-bas... Photo: Barone Ricasoli, Italie.

Un jour, j’irai là-bas… Barone Ricasoli, Italie.

Il faut que je vous confie quelque chose. Je viens de la classe moyenne ouvrière. Élevée au Lac–Saint-Jean, ayant fréquenté l’école publique puis ayant travaillé dur pendant toutes mes études pour payer ma scolarité (j’ai même dû recourir aux banques alimentaires à certains moments, eh oui), je vous jure que RIEN n’aurait pu laisser présager le mode de vie qui est maintenant le mien.

Si on m’avait dit qu’un jour, mes activités professionnelles me vaudraient autant de beaux moments, charmantes invitations et rencontres fascinantes, je ne l’aurais pas cru!

Je mesure donc pleinement ma «chance»: c’est un privilège que j’apprécie énormément. Et j’ai envie de vous partager deux expériences récentes qui m’ont fait particulièrement plaisir puisqu’elles m’ont permis de plonger dans la culture italienne.

Par souci de transparence – et aussi pour «rendre à César ce qui lui revient» – je précise que ces invitations m’ont été faites par l’entremise de l’agence de communication BROUILLARD. Merci!

Ricasoli, les siècles et les siècles, amen

Le 17 février, le restaurant le 47e Parallèle, en association avec la Société de vins fins, accueillait une centaine de convives pour prendre à une soirée de dégustation commentée. Le repas, élaboré par le chef Joseph Sarrazin, était créé pour être en accord parfait avec les vins de la maison Barone Ricasoli.

La soirée a débuté avec des mises en bouche de calmars, crevettes et arancini, servie avec le lumineux Albia rosé 2014. Nous avons ensuite pris place à table pour se régaler d’une trilogie de tartares et d’un verre de Brolio Bianco 2013. Les entrées chaudes ont suivi: boudin noir, canard confit et ris de veau croustillant ont fait merveille avec le Chianti del Barone 2013! Le baron Francesco Ricasoli s’est ensuite adressé aux convives pour parler de son domaine et de ses vins, dans un français chantant fortement teinté d’accent italien.

cferland-trilogie-47e-entreesAprès un petit granité à la grappa en guise d’entremets, mes compagnes de table et moi (toutes issues des médias gourmands et de l’événementiel) avons été invitées à visiter les cuisines, où le chef et sa brigade complétaient le montage du plat principal. Nous avons pu «savourer visuellement» (avant d’y mettre réellement la fourchette) les médaillons de bison servis sur galettes de patate douce et Monterey Jack avec sauce au whisky, ainsi que les parts de braisé de bœuf avec sauté de pleurotes noirs avec réduction au vin rouge, lard salé et huile de noisette.

Deux vins ont alors été servis, pour permettre une dégustation comparative: le Chianti Classico Brolio 2013 et le Chianti Classico Gran Selezione Castello di Brolio 2011. De somptueuses interprétations du sangiovese, le cépage «noble» qui fonde le Chianti.

Mais le pinacle gustatif a été atteint quand j’ai goûté à un Chianti 1957. Comment dire… On goûte les années, le travail du vin à travers des générations de vignerons, le raisin qui a muri au soleil il y a près de dix décennies… Des arômes déroutants, qui évoquent le sous-bois, le fromage vieilli… Un voyage dans le temps dans mon verre! Encore renversée de cette expérience, un second privilège m’a été offert: celui d’un tête-à-tête avec le signore Francesco, 32e baron Ricasoli!

C’est ainsi que je me suis retrouvée à discuter pendant une quinzaine de minutes avec un authentique baron italien! Pincez-moi, quelqu’un. Pour une ancienne duchesse (de la Revengeance), c’est plutôt piquant comme situation, non? 😀

Le château Brolio et le domaine se situent en Toscane, entre Sienne et Florence. Figurez-vous que le premier Ricasoli s’y est établi en 1141! Ouah, presque 900 ans: mon émotion d’historienne est à son comble. Le baron m’explique que son aïeul, Bettino Ricasoli, a établi les canons du chianti en 1872 en fixant les proportions de cépages, créant ainsi cet élégant fleuron de l’Italie viticole. Le château familial a connu des années magiques entre 1920 et 1940, puis quelques décennies de gestion plus lâche ont passé bien près de mener à la faillite. En 1993, Francesco Ricasoli a repris les affaires en mains. Il a redressé la situation et a redonné au domaine ses lettres de noblesse, travaillant dans le respect de la tradition (il est très fier de son héritage) mais en y faisant entrer la modernité.
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La soirée s’est conclue sur un fondant de chocolat noir accompagné d’un verre de Santo del Chianti Classico 2007, un liquoreux moelleux à souhait. C’est décidé, je veux aller en Italie visiter le Castello di Brolio!!!

Viva la musica… à la Trattoria La Scala

cferland-scala-1L’Italie est un important berceau de civilisation. On y a vu éclore ou se développer bien des éléments culturels qui sont, encore de nos jours, largement valorisés et admirés: les arts (pensons aux peintures, fresques, mosaïques, sculptures, …), les sciences et mathématiques, mais aussi la gastronomie et l’opéra. C’est à ces deux derniers éléments que je veux m’attarder ici, puisqu’ils sont au cœur d’un très beau concept offert à Québec: les soupers-opéras de la Trattoria La Scala.
À noter que les splendides photos de cette sections sont toutes de Marc-Éric Baillargeon, pour Les Festifs. J’étais bien trop occupée à profiter de la soirée pour sortir mon propre appareil! 😉
Offerts une fois par mois, La Scala propose aux amoureux des belles choses ce combo art lyrique/bonne bouffe sous forme de quatre «tableaux» auxquels correspondent des services. En excellente compagnie, j’ai donc pu découvrir le concept par moi-même le 28 février dernier.
En entrée, nous avons eu droit à un carpaccio de bœuf avec pesto maison, réduction de balsamique et copeaux de parmesan. Une valeur sûre qui plaît toujours. Les raviolis maison farcis au veau, en sauce au poireaux, suivis d’une onctueuse crème de panais et poire, ont bien failli nous sustenter totalement. Heureusement, un petit granité canneberge et romarin a accordé une pause rafraîchissante à nos estomac… en attendant la suite!
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Le plat principal était constitué d’un trio : médaillon de bœuf, paillard de poulet au citron et tilapia en sauce vierge. Une bavaroise au Cointreau et des boissons chaudes ont été proposées pour conclure.
Mais, rappelez-vous, toutes ces délicieuses choses étaient servies en alternance avec les blocs de chant!
Bien sûr, l’opéra est au premier plan (Mozart, Bizet, Pucini, Massenet, Verdi) mais aussi l’opérette (Offenbach, Strauss) et même le répertoire issu de la comédie musicale et du cinéma. Les artistes se déplacent dans la salle à manger, circulant parmi les convives et créant de beaux moments de complicité. Plusieurs duos créent une émotion palpable. Tout est en place pour passer un excellent moment! Il faut souligner le beau travail d’organisation et de supervision de la soprano Émilie Baillargeon, qui sait s’entourer de chanteurs et de musiciens (tant chevronnés qu’issus de la relève) afin de proposer ce riche registre. J’ai vraiment passé une agréable soirée: il me tarde d’y retourner!
cferland-scala-3(Oui, c’est bien mon amoureux Dave au premier plan, à gauche. Hi hi!)
*
Vous le savez, on dit souvent qu’il faut profiter pleinement des belles choses de la vie. Si un voyage en Italie est actuellement hors de mes moyens et des vôtres, ces escapades gourmandes et artistiques procurent un ravissement des sens qui fait du bien à l’âme. Je vous souhaite de bien belles occasions, à vous aussi!

Bises.

Catherine

Historienne, auteure et conférencière, Catherine Ferland est spécialiste d’histoire de l’alcool et de la gastronomie et, plus largement, d’histoire culturelle du Québec. Elle participe régulièrement à des émissions de radio et de télé, en plus de faire des conférences aux quatre coins du Québec. Parmi ses ouvrages, mentionnons Bacchus en Canada. Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France (Septentrion, 2010) et La Corriveau, de l’histoire à la légende (Septentrion, 2014), gagnant du Prix littéraire du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean 2015 et finaliste aux Prix littéraires du gouverneur général 2014 ainsi qu’au Prix Jean-Éthier-Blais 2015.  Elle blogue au catherineferlandhistorienne.com et signe des critiques culinaires au journal Le Devoir depuis 2012.

Chasse aux trésors

Les Trésors de la capitale : spectacles inédits pour découvrir le patrimoine d’ici

L’historien Gilles Gallichan évoque les années de pouvoir du premier ministre Honoré Mercier, de même que l’Affaire des biens des Jésuites, qui a valu à celui-ci d’être décoré par le Vatican en 1891. Photo : CCNQ, Alexandre Zacharie

L’historien Gilles Gallichan évoque les années de pouvoir du premier ministre Honoré Mercier et l’Affaire des biens des Jésuites qui lui a valu d’être décoré par le Vatican en 1891.
Photo : CCNQ, Alexandre Zacharie

Le 22 octobre dernier, j’ai eu la chance d’être invitée à assister au tout premier spectacle d’une nouvelle série qui vient d’être lancée par la Commission de la capitale nationale du Québec. Les Trésors de la capitale sont six événements artistiques proposant de découvrir six pièces rares ou inusitées tirées de la riche collection des Musées de la civilisation.

Chacun des objets présentés fait l’objet d’une scénarisation raffinée conviant plusieurs faisceaux culturels et scientifiques: théâtre, musique, arts visuels, histoire, muséologie et conservation. Au final, le spectateur en ressort avec une compréhension intime de ces «trésors».

Le premier de ces objets ainsi mis en vedette au Palais Montcalm était le frac d’Honoré Mercier, un habit de cérémonie reçu par l’ancien premier ministre à l’occasion de sa distinction par le pape Léon XIII en 1891.

Une scénographie au service de l’objet

Honoré Mercier (Raphaël Posadas) et son épouse Virginie Saint-Denis (Laurie-Ève Gagnon) sont en pâmoison devant l’habit de cérémonie qui sera porté pour recevoir la Grand Croix de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Photo: CCNQ, Alexandre Zacharie

Honoré Mercier (Raphaël Posadas) et son épouse Virginie Saint-Denis (Laurie-Ève Gagnon) sont en pâmoison devant l’habit de cérémonie qui sera porté pour recevoir la Grand Croix de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.
Photo: CCNQ, Alexandre Zacharie

La Commission de la capitale nationale du Québec n’en est pas à ses premières armes en matière de spectacles culturels. Rappelons que pendant plus d’une décennie, sa série Le Tribunal de l’histoire a donné la chance au public de se familiariser avec de grandes causes judiciaires ayant marqué l’histoire québécoise – dont La Corriveau en 2002, 2009 et 2013! – par l’entremise de «procès» où théâtre, musique et histoire créaient une riche synergie. L’excellent travail artistique et scénaristique de Cyrille-Gauvin Francoeur a d’ailleurs été salué à plus d’une reprise. Si cette formule a beaucoup plu, la Commission a cru bon de revenir avec une nouvelle proposition, cette fois en impliquant un partenaire majeur: les Musées de la civilisation à Québec.

En mettant six objets «mystérieux» au cœur de cette série, on redonne une place prépondérante à l’objet. L’objet comme support de mémoire, l’objet comme dépositaire d’une signification qui lui est propre. Depuis les années 1990, les grandes tendances en muséologie ont eu pour effet de délaisser l’objet, préférant mettre de l’avant l’interaction et «l’expérience» du visiteur… à telle enseigne que pour les nouvelles générations, gavées de technologies et autres stratégies immersives, l’objet en soi, inerte et dépouillé, présentait bien peu d’attrait!

La culture matérielle est pourtant indispensable pour comprendre une époque passée et lui «donner corps». Les écrits font réfléchir, les idées interpellent, mais l’objet émeut. Le réhabiliter comme support historique, culturel et artistique est par conséquent une initiative qu’il faut saluer.

Six objets, six époques

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Nicole Grenier, conservatrice aux Musées de la civilisation, détaille la richesse de l’ornementation du frac d’Honoré Mercier. Photo: CCNQ, Alexandre Zacharie

La démarche entreprise par la Commission et le MCQ permet donc de se plonger dans l’histoire à travers six objets, sélectionnés avec soin dans un catalogue qui en comprend des milliers. Naturellement, il fallait que les pièces choisies puissent être déplacées et présentées au public, ce qui n’est pas toujours possible en raison de la fragilité de certains artefacts.

Sous la coordination de l’historien Frédéric Smith et la direction artistique de Cyrille-Gauvin Francoeur, tout est mis en œuvre pour déployer la richesse de ces objets et les replacer dans leur contexte historique. Plusieurs cordes sensibles sont touchées grâce aux bons soins d’intervenants, de spécialistes et d’artistes de Québec.

On fait appel à l’histoire: pour comprendre qui était Honoré Mercier et les circonstances de fabrication du frac, l’historien Gilles Gallichan a présenté une synthèse de l’époque et amené de nombreux détails d’un grand intérêt. Nous avons par exemple appris ce que signifiaient les broderies d’argent au motif de feuilles de chêne…

On a fait appel à la muséologie: la conservatrice Nicole Grenier est venue expliquer la signification des motifs et ornementations présents sur le frac, donnant de fascinantes précisions sur le mode de fabrication de cet habit par l’illustre tailleur parisien Auguste Dusautoy. Des projections de plans rapprochés des détails vestimentaires permettaient de bien voir.

Tout au long de la soirée, les musiciens Richard Roberto (flûte), Mary-Ann Corbeil (violon), Philippe Amyot (violon), Daniel Finzi (violoncelle) et Marie-Claude Tardif (contrebasse) ont interprété quelques airs du répertoire classique de l’époque. Photo: CCNQ, Alexandre Zacharie

Les musiciens Richard Roberto (flûte), Mary-Ann Corbeil (violon), Philippe Amyot (violon), Daniel Finzi (violoncelle) et Marie-Claude Tardif (contrebasse) ont interprété des airs du répertoire classique de l’époque.
Photo: CCNQ, Alexandre Zacharie

On fait appel à la musique: afin de se plonger dans l’ambiance sonore propre à l’époque d’Honoré Mercier, le quintette de musiciens a joué des œuvres – guillerettes ou solennelles – de Jacques Offenbach, Léo Delibes, Calixa Lavallée, Charles Gounod et Émile Waldteufel.

On fait appel au théâtre: notre «hôte» de la soirée, René Sin-Paul (Serge Bonin) et ses débats avec l’agent de sécurité (Martin Perreault), ainsi que les apparitions intermittentes des «fantômes» d’Honoré Mercier (Raphaël Posadas) et de son épouse Virginie Saint-Denis (Laurie-Ève Gagnon) donnaient une intéressante touche d’humanité.

À la fin de la représentation, le public est invité à monter sur scène pour contempler l’objet de près et poser des questions. Un privilège rare dont une centaine de personnes se sont prévalues le 22 octobre dernier pour contempler le près le splendide frac d’Honoré Mercier!

D’autres trésors à découvrir

Les cinq autres trésors et leur date de représentation (oui, vous n’aurez qu’une seule chance de les découvrir!) sont les suivantes:

  • Lundi 24 novembre – Le wampum huron-wendat
  • Lundi 22 décembre – La maquette de St.Andrew
  • Lundi 23 février 2015 – Le moulin à cuir American St.Louis
  • Lundi 23 mars 2015 – Le premier fleurdelisé du Québec
  • Lundi 20 avril 2015 – Le sarcophage de Nen-Oun-Ef

J’y serai: je vous en reparlerai! Pour télécharger cette programmation, c’est ICI. Et voyez ci-dessous un petit avant-goût:

Présenté jusqu’en avril 2015 à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm. Billets: 24,40 $ (taxes et frais compris).
Début des présentations: 19h30. Pour informations et réservation: 418 641-6040 ou palaismontcalm.ca

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Personnellement, cela me ravit de constater que l’on remet l’objet au centre de l’attention. Il sert de billet pour accéder à un voyage dans l’histoire puisqu’à travers lui, c’est toute une époque que l’on revisite. Et parfois même plus d’une époque, en fait, puisque le sens accordé aux objets est appelé à changer au fil du temps. Ainsi, j’ai particulièrement hâte de voir le sarcophage égyptien, un trésor de plusieurs milliers d’années qui a été utilisé comme outil pédagogique auprès des élèves du Séminaire de Québec au XIXe siècle!

Catherine

Catherine Ferland est historienne, auteure et conférencière. Depuis 15 ans, ses thématiques de prédilection – histoire de l’alimentation, des boissons alcooliques, des petits produits «plaisir» – lui offrent l’occasion de participer régulièrement à des émissions de radio et de télé, en plus de l’amener à faire des conférences aux quatre coins du Québec.