Devenir historien en 7 étapes (première partie)

… ou comment tirer son épingle du jeu en contexte chaotique

Il y a maintenant plus d’un an que j’ai décidé de créer mon entreprise et de travailler à mon compte comme historienne professionnelle. En ces temps sombres où, presque tous les jours, de nouvelles coupes/compressions/austérisations nous tombent dessus, je m’en sors plutôt bien. Pourquoi? J’essaie de de comprendre. Je réfléchis à ce qui, en 2015, constitue le métier d’historien. Quel est le devoir de l’historien? Quelles sont les caractéristiques qui le définissent? Comment identifier les attitudes à adopter et les pièges à éviter? Voici le résultat de mon remue-méninges… sous forme de sept «commandements» ou préceptes. Sans prétention, pour le plaisir… et, surtout, pour vous amener à poursuivre la réflexion!

1) Une spécialité tu développeras afin d’être reconnu comme un expert

cferland-colloque-100ans-10J’aime bien établir un parallèle entre l’histoire et la médecine. Vous le savez déjà, il existe de nombreuses spécialités en médecine. En cas de problème aux oreilles, vous vous tournerez naturellement vers un oto-rhino-laryngologiste (ORL) car son titre vous informe qu’il a longtemps étudié pour acquérir cette expertise pointue. Personne ne songerait à consulter un ORL pour une verrue plantaire, n’est-ce pas! D’une manière analogue, une personne qui veut développer sa crédibilité comme historien doit préférablement choisir une spécialisation et y consacrer suffisamment de temps pour devenir un expert et se démarquer. Comme cela, c’est à VOUS qu’on pensera lorsqu’on aura besoin d’un point de vue historien sur une question précise.

Il existe plusieurs stratégies pour vous positionner comme expert. Cela peut être au moyen d’articles dans des publications à large diffusion (je pense à l’excellente revue Cap-aux-Diamants), de conférences publiques ou d’interventions dans divers événements. Bien sûr, la réalisation d’une maîtrise (et même d’un doctorat) peut s’avérer un atout car cela démontre votre «sérieux» en plus de vous donner du matériel pour publier et donner des conférences dans des bibliothèques, des sociétés d’histoire et ailleurs.

cferland-jmlebel-tresors-capitaleCe qu’il faut comprendre, c’est que tous les moyens que vous choisirez auront une influence les uns sur les autres, contribuant à construire votre crédibilité comme historien. Et à vous donner du travail! Commencez simplement. L’article que vous avez publié vous donnera une occasion de passer à la radio, ce qui vous vaudra une invitation à faire une conférence, au cours de laquelle vous jaserez avec quelqu’un qui vous proposera un petit contrat, qui vous amènera ensuite à préparer un nouvel article, etc. Il s’agit ici de synergie. Ce faisant, votre nom circulera de plus en plus comme étant un spécialiste de ces questions. Bien sûr, avant d’avoir la renommée d’un Jean Provencher, d’un Jean-Marie Lebel ou d’un Jacques Lacoursière, vous devrez travailler fort… mais ça viendra!

2) Les occasions de réseautage tu rechercheras activement

Le Rat de bibliothèqueLes historiens ont parfois une petite tendance asociale. On ne se le cachera pas: si quelques-uns développent des habiletés de communication  – j’élaborerai au point 6… dans la suite de ce billet –, on retrouve beaucoup de chercheurs en histoire qui sont beaucoup plus à leur aise lorsque cachés derrière leur écran d’ordinateur, leur(s) pile(s) de livres(sss) menaçant de s’écrouler sur leur clavier! Le cliché du «rat de bibliothèque» a un petit fond de vérité.

Or, si vous souhaitez faire votre place dans le milieu des historiens, il vous faudra sortir un peu et construire votre réseau professionnel. Les mandats et contrats n’apparaitront pas comme par magie. Si on ne sait pas que vous existez, on ne pourra pas penser à vous. Pas besoin de prendre un abonnement dispendieux dans un club de golf: quand on y songe, les occasions de réseautage (sociales, institutionnelles, professionnelles, etc.) sont nombreuses! Recherchez-les.
Voici quelques suggestions, en vrac, pour rencontrer des gens:

  • accepter l’invitation de collègues qui vont «prendre un verre» quelque part;
  • participer aux assemblées, comités, C.A. ou autres structures administratives en lien avec la profession;
  • assister à des lancements de livres et, pourquoi pas, à des vernissages d’expositions;
  • suivre les actualités du milieu des historiens par l’entremise des réseaux sociaux (voir le point suivant);
  • participer à des colloques, congrès et journées d’étude, même si c’est seulement comme auditeur;
  • convoquer quelques collègues et amis pour un café autour d’un thème particulier.

De manière générale, soyez simplement à l’affut de situations où vous pourrez discuter avec des personnes influentes.

3) Les nouveaux médias tu mettras à profit intelligemment

Comme la plupart des gens, les historiens apprécient les réseaux sociaux tels que Twitter, Instagram et Google+ et les outils de diffusion numérique comme Vine, Youtube ou Vimeo. Cependant, peu d’entre eux utilisent ces plateformes pour développer leur carrière. Le raisonnement est souvent le suivant: «J’utilise LinkedIn pour le travail, Pinterest pour le fun»… C’est un bon début, mais ce faisant, ils se privent de belles opportunités.

cferland-medias-sociauxSans nécessairement se créer une page Facebook professionnelle (encore que cela puisse s’avérer une bonne idée, selon votre situation), il y a moyen de mettre à profit ces outils pour consolider votre expertise, vous positionner clairement comme historien et étendre votre réseau. Pour continuer avec l’exemple Facebook, j’ai opté pour la possibilité de laisser les gens «s’abonner» à mon profil public, ce qui me permet de communiquer avec eux sans devoir obligatoirement les accepter comme «amis». Vous pouvez aussi utiliser les diverses fonctionnalités pour créer des catégories («Amis proches», «Contacts professionnels», etc.) auxquelles vous posterez des contenus différents.

En matière de ce qu’on peut publier sur ces différents médias, je n’entrerai pas dans les «à faire ou à éviter». Il existe pas mal de ressources sur les sites et blogues spécialisés en médias sociaux qui vous expliqueront parfaitement pourquoi c’est une mauvaise idée d’utiliser telle photo de party en guise d’image de profil ou de partager tel article potentiellement polémique. Je dirai cependant trois choses:

A- Comme historien, il est tout à fait possible d’utiliser vos différents profils à la fois de manière personnelle et professionnelle… en évitant bien sûr de verser dans la constante autopromotion pour ne pas agacer les gens qui vous «suivent»! Ici comme en d’autres domaines, le jugement est de mise. Alternez les réflexions personnelles et la photo de votre dernier repas entre amis avec des éléments plus «sérieux» susceptibles d’intéresser les gens qui vous suivent. Et soyez généreux: commentez et partagez les publications de vos amis historiens. Nous sommes si peu nombreux, il faut bien s’entraider!

B- Apprenez si possible à utiliser les différentes plateformes pour maximiser la portée de vos nouvelles… mais pas toutes les plateformes en même temps! Des ressources existent pour vous indiquer quels sont les meilleurs moments (jour de semaine, heure, etc.) pour publier sur Twitter, Pinterest, Facebook et tous les autres. Personnellement, je vous l’avoue, ça m’agace de recevoir en MÊME temps des «notifications» de la MÊME personne sur quatre réseaux pour la MÊME chose. Étudier le passé n’excuse en rien le manque d’habileté avec les outils actuels. My two cents, comme le disent nos amis anglophones.

cferland-troll-internetC- En tant qu’historien, votre réseau familial, amical et professionnel vous accorde sa confiance en ce qui a trait aux questions d’histoire. Mais nul n’est parfait et l’erreur est possible. Si vous avez fait fausse route, par exemple en partageant un article qui, après coup, s’avère provenir d’un site dont la crédibilité est douteuse, il n’y a pas de honte à faire amende honorable. D’un autre côté, ne passez pas votre temps à traquer les erreurs dans les publications de vos relations, au risque de vous retrouver avec l’étiquette de «troll historique». 😉

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En attendant le prochain billet où je vous livrerai les 4 autres points, voici un collage que vous avez peut-être vu passer sur les médias sociaux, selon la formule du «What […] thinks I do». J’aurais aimé vous le proposer en français, mais je manque de temps pour en bricoler un. Si quelqu’un se dévoue et me l’envoie (sans fautes de français SVP… tant qu’à faire, faisons-le bien!), je promets de remplacer cette image par la version française.

MISE À JOUR, 7 juillet 2015 – Un collègue historien a rapidement répondu à l’appel : on dira ce qu’on voudra, mais le numérique, c’est l’fun et ça permet d’atteindre des objectifs avec une efficacité exceptionnelle! Merci, René Beaudoin! Comme promis, voici donc la version française du fameux collage.

Ce qu'on pense

À très bientôt pour la suite!

Bises.

Catherine

Catherine Ferland est historienne, auteure et conférencière. Depuis 15 ans, ses thématiques de prédilection – histoire de l’alimentation, des boissons alcooliques, des petits produits «plaisir» et de la culture en général – lui donnent la chance de participer régulièrement à des émissions de radio et de télé, en plus de l’amener à faire des conférences aux quatre coins du Québec.