Vues de Québec, années 1892-1893

Le Château Frontenac célèbre cette année son 125e anniversaire. De quoi avait l’air la ville de Québec à l’époque de la construction et de l’inauguration du célèbre bâtiment?

Voici, en une douzaine d’images, un aperçu des lieux mais aussi des personnes qui faisaient l’actualité à Québec en ces années.

 

Démolition des bâtiments existants puis construction du Château Frontenac

La Citadelle, vue prise de la terrasse Dufferin avant la démolition du vieux Château Haldimand, photo parue dans Le Monde illustré, vol. 10, no 487 (2 septembre 1893), p. 210.

 

Le château Haldimand avant sa démolition, 1892. BAnQ.

 

Démolition de l’École normale Laval (Château Haldimand), 1892. BAnQ, Fonds Fred C. Würtele, P546,D5,P5.

 

Démolition de l’École normale Laval (Château Haldimand), 1892. BAnQ Québec, Fonds J.E. Livernois Ltée, P560,S1,P380.

 

Vue prise durant les travaux de construction du Château Frontenac, 1893. BAnQ, Fonds J.E. Livernois Ltée, P560,S2,D2,P75644.

 

Vues de la ville de Québec et des environs

Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec pendant les fêtes de la ville, 1893. BAnQ.

 

L’Union Musicale à l’occasion d’un défilé de la Saint-Jean-Baptiste, 1892. BAnQ, Fonds Philippe Gingras, P585,D1,P1.

 

Char de la Société des Ouvriers Travaillant le Bois, devant chez William J. Peters, constructeur et entrepreneur, rue Saint-Paul, pendant la parade de la Saint-Jean-Baptiste, 1892. BAnQ, Fonds Philippe Gingras, P585,D7,P1.

 

Bâtisse de la douane, 1893. BAnQ.

 

Bassin Louise, photo parue dans Le Monde illustré, vol. 9, no 450 (17 décembre 1892), p. 389.

 

Personnalités de Québec

Le peintre Marc-Aurèle de Foy Suzor Côté, photo parue dans Le Monde illustré, vol. 9, no 447 (26 novembre 1892), p. 351.

 

Convention des employés de la Maison Zéphirin Paquet de plus de dix ans de service, 1893. On y voit: J.Michaud, Thomas Breton, Charles Lavoie, Cyrille Faguy, A. Hamel, Cyprien Lacroix, Pierre Jobin, Joseph Pinault, Louis-U. Lelièvre, Cléophas Pichette, Siméon Belleau, Alf. Labadie, George Villeneuve, Adjutor Delisle, Zéphirin Langevin, Omer Gilbert, Joseph Bordeleau, Alphonse-J. Vézina, Charles L’Heureux, V. Bertrand, Louis-H. Paquet, Samuel R. White, F.-Xavier Ratté, Paul Laprise, J. Simpson et Napoléon Parent BAnQ, Fonds Paquet-Le Syndicat inc., P726,S44,P3.

 

Philippe Dorval, chef du département du feu à Québec, 1892. BAnQ.

 

Le lieutenant-colonel Vohl, chef de la police de Québec, photo parue dans Le Monde illustré, vol. 9, no 455 (21 janvier 1893), p. 446.

 

*

J’ignore exactement pourquoi, mais cette année-anniversaire du Château Frontenac a suscité en moi une vive envie d’approfondir mes recherches. Comme je voudrais avoir tout mon temps pour m’y livrer sans réserve! Or, «comme tout le monde», je dois gagner ma vie. Je vous promets néanmoins pour très bientôt la suite de mes investigations sur la gastronomie châtelaine! 🙂

Bises.

– Catherine

Historienne, auteure et conférencière, Catherine Ferland est spécialiste d’histoire de l’alcool et de la gastronomie et, plus largement, d’histoire culturelle du Québec. Elle a écrit ou coécrit une quarantaine d’ouvrages et articles, dont Bacchus en Canada. Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France et La Corriveau, de l’histoire à la légende.  Elle signe des critiques culinaires au journal Le Devoir et fait régulièrement des chroniques d’histoire à Radio-Canada, en plus de faire des conférences aux quatre coins du Québec. Elle vit à Québec avec son amoureux, ses trois enfants… et ses deux pinschers nains!

Les «petits oiseaux blancs de l’île d’Orléans» à la table du Château Frontenac

Toujours dans la foulée de mes recherches sur l’histoire gastronomique du Château Frontenac (relire mon premier article ICI – oui, les prochains suivront très bientôt, promis!), je suis en train de préciser ce qu’étaient les «petits oiseaux blancs de l’île d’Orléans» qui étaient servis lors de grandes occasions à la table châtelaine. Voici un mini compte rendu de ce que j’ai trouvé.

Un plat difficile

Le point de départ de ma petite enquête est l’anecdote suivante, survenue en 1951. Quand le chef Louis Baltera a pris sa retraite du Château Frontenac, après une longue et remarquée carrière, un journaliste lui a demandé quel avait été le plat le plus difficile qu’il ait eu à préparer.

Le respecté chef a répondu qu’il s’agissait de ce qui avait été servi  «à leurs majestés le roi et la reine, lorsqu’ils s’arrêtèrent au Château Frontenac en 1939.» Le 17 mai 1939, le couple royal a en effet pris part à un grand dîner donné par le gouvernement provincial. Le menu servi à George VI et à sa suite comportait notamment «des petits oiseaux blancs de l’Île d’Orléans en Bellevue», une réalisation pour laquelle 2050 petits oiseaux désossés ont été nécessaires.

Le chef Baltera en mars 1939. Son air concentré est-il dû à la planification du repas royal?

Alors que je racontais cette anecdote au micro de Francis Reddy à l’émission On n’est pas sorti de l’auberge à Radio-Canada en début janvier, le chef Daniel Vézina s’est exclamé, à propos de ces volatiles : «Ah, des plectrophanes des neiges!».

Des plectrophanes des neiges? Tiens tiens… Mais qu’est-ce que c’est, au juste?

D’oiseau des neiges à mets délicat

Le plectrophane des neiges est un petit oiseau rondouillard de famille des passereaux. Il peut mesurer de 15 à 18 cm de long et peser jusqu’à 50 grammes. Il est équipé pour supporter des températures très froides. On l’appelle aussi le bruant des neiges. En faisant une petite recension dans des ouvrages anciens, l’historien Jean Provencher a aussi trouvé les surnoms de «P’tit oiseau de misère» et «d’Ortolan d’Amérique».

Dodu, celui qu’on surnomme l’ortolan d’Amérique peut survivre à -40°C. Photo: Nicolas Bradette.

Vivant en Arctique 7 mois par année, ce petit oiseau quitte le cercle polaire pour des latitudes plus clémentes lorsque vient l’hiver. La migration se fait en groupe: s’ils sont habituellement quelques dizaines, il arrive que plusieurs centaines de copains se déplacent en même temps.

L’île d’Orléans est apparemment l’un des arrêts privilégiés du bruant des neiges, mais on le trouve aussi dans plusieurs régions. À noter qu’il ne «descend» pas seulement au Québec : il affectionne en fait tous les territoires du nord de l’hémisphère nord (je sais, c’est bizarre écrit comme ça… mais soyons précis). Quand vient l’été, le plectrophane des neiges repart nicher dans ses contrées arctiques. Bref, on ne le voit ici qu’en saison hivernale.

Sa chair délicate et savoureuse longtemps été recherchée au Québec. Les habitants de la Côte de Beaupré et jusque dans la région de Montréal étaient friands de ce petit oiseau. Dans certaines campagnes, notamment dans la région de Québec, on le capturait au moyen de petits pièges appelés «lignettes». Il semble qu’on en regroupait une ou deux douzaines en «couronne» pour les vendre dans les marchés de Québec.

Les plectrophanes des neiges étaient cuisinés sous plusieurs formes par les habitants de la vallée du Saint-Laurent, surtout en ragoût et en pâtés.

En Bellevue

Un saumon en Bellevue. Miam miam (pas la tête, par contre…) Source: http://www.foodreporter.fr.

Revenons à notre anecdote de départ. À quoi peut donc ressembler un bruant des neiges en Bellevue? Il s’agit d’une préparation culinaire très française.

Les dictionnaires gastronomiques nous apprennent que cette dénomination vient de Madame de Pompadour. Châtelaine du domaine de Bellevue, elle aimait faire créer des plats délicats pour impressionner son amant, le roi Louis XV, friand de belles tables (entre autres choses).

En gros, ce mode de préparation consiste à cuire au court-bouillon la volaille, la viande ou le poisson choisi, qu’on laisse ensuite refroidir. On met ensuite le tout en valeur par un habillage de gelée, d’herbes et de légumes finement coupés.

C’est ainsi qu’on peut préparer du homard, du saumon, du lièvre, du filet de bœuf ou bien sûr de volaille en Bellevue.

«À la mode de chez nous»

Je suis fascinée par le fait que le chef Baltera ait eu envie d’adapter cette recette à un oiseau chassé localement: ce choix démontre que, déjà en 1939, on pouvait avoir l’idée de valoriser le terroir tout en respectant les canons gastronomiques associés aux meilleures tables du monde occidental. Après tout, on recevait des têtes couronnées… il fallait que ce soit excellent tout en reflétant le caractère local.

Si le plectrophane des neiges n’est plus chassé ni cuisiné aujourd’hui et que la recette originale créée par Baltera n’a pas été retrouvée, il pourrait quand même être fort sympathique de tenter de recréer la chose à partir d’un volatile «autorisé»… à condition d’avoir la patience de le désosser. À la base, ce qui pourrait être le plus proche serait possiblement une sorte d’aspic de filet de perdrix, j’imagine.

Si vous vous lancez dans l’aventure, racontez-moi ça. Et prenez des photos.

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BONUS. En fouillant pour trouver du visuel, j’ai déniché ce film où on voit les souverains arriver au Château Frontenac pour le dîner d’État du 17 mai 1939. C’est chouette, ces nouvelles anciennes. L’ancêtre du Téléjournal.

Bises.

– Catherine

Historienne, auteure et conférencière, Catherine Ferland est spécialiste d’histoire de l’alcool et de la gastronomie et, plus largement, d’histoire culturelle du Québec. Elle a écrit ou coécrit une quarantaine d’ouvrages et articles, dont Bacchus en Canada. Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France et La Corriveau, de l’histoire à la légende.  Elle signe des critiques culinaires au journal Le Devoir et fait régulièrement des chroniques d’histoire à Radio-Canada, en plus de faire des conférences aux quatre coins du Québec. Elle vit à Québec avec son amoureux, ses trois enfants… et ses deux pinschers nains!

La Poutine Week à Québec (partie 6)

Parcours #5- Grande Allée et Quartier Petit-Champlain

Les «missions» de pré-dégustations pour la Poutine Week de Québec se concluent avec cette dernière série de restaurants pour le Parcours #5, soit Grande Allée et le quartier Petit Champlain! Ouf, que de choix, des plus classiques aux plus exotiques! En espérant que ces critiques/appréciations vous auront aidés à fixer vos «objectifs» gourmands pour la semaine du 1er au 7 février 2016! 🙂

L’Atelier Tartares et cocktails

624, Grande Allée Est, Québec, (418) 522-2225
Photo: Catherine Ferland, 2016

Photo: Catherine Ferland, 2016

La poutine… notre «plaisir coupable national». Bien que sa recette de base soit toujours un classique, il est bon parfois de se permettre de sortir des sentiers battus. C’est ce que j’ai fait en compagnie d’un groupe d’épicurieux franchement sympathique. Le premier arrêt de la soirée est à l’Atelier Tartare et cocktails où le chef Amado Saucedo Grimaldo nous offre une poutine style nacho. Oui, vous avez bien lu. Composée, entre autre choses, d’oignons rouges, de porc effiloché tendre et juteux (il a cuit une nuit entière!), de concassé de tomates, de frites croustillantes et de mozzarella gratiné au four, cette poutine ressemble à un rayon de soleil du Sud au milieu des froideurs de l’hiver québécois! Visuellement, ça fait du bien! Agréablement assaisonnée de coriandre, cette poutine est également accompagnée de guacamole et de crème sure… comme un nacho, quoi. Déjà que le visuel est plus qu’alléchant, voilà que les arômes pénètrent dans mes narines et me font saliver tel un chien de Pavlov! Je plonge ma fourchette avec envie au cœur de cette poutine pleine de soleil et porte une généreuse bouchée à ma bouche. Le résultat? Succulent! J’en savoure chaque instant. La sauce est savoureuse quoique subtile et sans être trop abondante, ce qui permet à toutes les autres saveurs de se manifester. Le porc effiloché fond littéralement dans la bouche et son mariage avec l’ensemble de l’œuvre est selon moi un franc succès. Je dois admettre que je ne m’attendais pas à cela: voir un plat typiquement mexicain et notre gourmandise de fin de soirée préférée être amalgamés avec autant d’art et de créativité. Pour accompagner ce plat, la mixologue Julia nous propose une margarita qui se marie à merveille avec cette poutine. (D. CORRIVEAU)

cferland-coupcoeurgourmandMes occupations professionnelles m’amènent à manger dans les meilleurs restaurants. Pourtant, je dois confesser que je demeure une fan finie de poutine. Je me réjouissais donc d’aller en goûter quelques-unes dans le cadre de la Poutine Week de Québec! J’avais déjà eu l’occasion d’aller à l’Atelier Tartares et cocktails il y a 2 ans pour une critique resto au Devoir et j’avais beaucoup aimé, alors mes attentes étaient élevées quant à leur propre interprétation de ce mets. J’ai été servie! La Poutine Nacho présente un heureux mariage gastronomique entre le Québec et le Mexique, l’influence latine du chef Grimaldo s’exprimant ici avec bonheur. Les trois ingrédients canoniques s’y trouvent : frites bien dorées, sauce – en fait, c’est celle du merveilleux porc effiloché qui remplit ce rôle –  et fromage, à ceci près qu’on a employé de la mozzarella gratinée pour rappeler les nachos. S’ajoutent des ingrédients qui apportent une fraîcheur inattendue (et beaucoup d’originalité) à l’ensemble, soit une salsa tomates-jalapenos-oignons rouges-coriandre offrant un contrepoint relevé à la viande de porc, ainsi que deux petites parts de crème sure et de guacamole. J’ai trouvé MON Graal poutinien (ne cherchez pas ça dans le dictionnaire). Avec le joli cocktail composé de mezcal, tequila, jus de pamplemousse et sirop d’agave, relevé d’un peu de poivre rose et d’un trait de limette, je rends les armes : pas besoin d’une semaine à la Rivera Maya. Quoique…  (C. FERLAND)

Talea

634, Grande Allée Est, Québec, (418) 523-7979
Photo: Catherine Ferland, 2016

Photo: Catherine Ferland, 2016

Toujours sur Grande Allée, je me dirige, avec mon groupe, vers le Bistro le Talea. «Convivial» est clairement le mot d’ordre lorsqu’on entre dans ce restaurant. La décoration de style rustique a quelque chose de réconfortant, un peu comme à la maison.  On nous apporte un verre de stout pour accompagner le plat qui sera bientôt servi. Si je m’attendais à quelque chose de classique, avec peut-être quelques ingrédients pour apporter un peu d’originalité, il s’avère que je ne pouvais être plus loin de la vérité. Ce qui se présente devant moi est visuellement tellement génial et hors de l’ordinaire que ma mâchoire se décroche presque! Sur un bâtonnet de bois, des croquettes de patates douces sont montées en alternance avec des morceaux de gouda légèrement fondu, le tout nappé d’une sauce fumée au cognac et parsemé de copeaux de chorizo de Viandes biologiques de Charlevoix. Je reste béat un instant avant d’attaquer cette pièce, ma foi, unique créée par le chef Jérôme Bouchard. D’abord, le fumet. Hum! l’arôme subtil du cognac dans la sauce stimule allègrement ma curiosité gustative. Je plonge ma fourchette dans les flancs de cette tour à l’allure succulente. Et je ne suis pas déçu! Le goût est tout aussi intéressant que sa présentation est novatrice. C’est audacieux! Le sucré de la patate douce, le gouda fondu, la sauce et le chorizo râpé dansent en farandole dans ma bouche. Une très belle réinvention créative de la poutine. À essayer, préférablement avec des amis! (D. CORRIVEAU)

Savini

680, Grande Allée Est, Québec, (418) 647-4747
Photo: Catherine Ferland, 2016

Photo: Catherine Ferland, 2016

Dans le cadre de la Poutine Week 2016, le Savini revendique son statut de restaurant italien avec une création capiteuse. Après un petit verre de calvados Boulard pour se mettre en appétit (le trou Normand, vous connaissez?), on nous apporte de belles assiettes où fument encore des frites de pommes de terre Yukon Gold, des dés de fromage balsamique et de parmesan… et d’appétissantes boulettes de viande. Une sauce tomatée et quelques pousses de verdure animent le tout. Le chef Luc Sainte-Croix a créé ici une poutine où chacun des ingrédients est harmonieux et, surtout, conserve son intégrité et son caractère. Un excellent point: les boulettes de viande sont tendres mais conservent leur jus sans ramollir le reste, alors les frites restent bien croustillantes. Il en résulte que chaque bouchée est différente, en fonction de ce que vous piquez sur votre fourchette. La texture friable du parmesan, un peu de sauce et une frite… Une autre frite, un morceau de boulette, un coin de cheddar… Wow! Prions pour que le Savini l’inscrive à son menu régulier: j’irais certainement faire goûter cette poutine à toute ma famille. (C. FERLAND)

Grand Café

690, Grande Allée Est, Québec, (418) 529-6237
Photo: Catherine Ferland, 2016

Photo: Catherine Ferland, 2016

Nous nous attablons une nouvelle fois à un resto de Grande Allée, avec un verre de bière ambrée à la main et une vue sur l’âtre et son feu bien nourri, pour attendre la poutine proposée par l’équipe du Grand Café. Je n’étais jamais entré dans ce lieu auparavant. Ses lumières tamisées et son ambiance légèrement feutrée me plaisent: j’y resterais bien pour la soirée, mais le devoir nous appelle! La poutine qui nous est apportée est inusitée, mais pas dénuée de personnalité, au contraire. Elle ne contient pas de patates frites, qui ont plutôt été replacées par des gnocchis… des pâtes confectionnées à partir d’un mélange de farine de blé et de pomme de terre. Mais laissez-moi vous présenter la «bête» correctement, vous vous ferez une idée. Nous avons ici un mélange intéressant de fromage cheddar coupé en languettes, d’oignons frits, de gnocchis et de côtes levées enrobées d’une sauce barbecue à la bière, le tout se mariant à merveille avec la boisson alcoolisée que je déguste. Les côtes levées, succulentes en elles-mêmes, fondent sur la langue, tandis que les délicieux oignons frits s’accordent bien avec le fromage et les autres ingrédients. Bien que je sois un grand gourmand, c’est ma première expérience avec des gnocchis. C’est très bon. L’idée des gnocchis est une alternative inventive et agréable à la patate frite, mais je n’en tombe pas de mon siège pour autant. Bref, si vous avez envie d’être dépaysés un brin, vous pourriez vous laisser tenter par cette délicieuse expérience. (D. CORRIVEAU)

Bello Ristorante

73, rue Saint-Louis, Québec, (418) 694-0030
Photo: Catherine Ferland, 2016

Photo: Catherine Ferland, 2016

cferland-coupcoeurgourmandMa mission pour la Poutine Week se conclut au Bello Ristorante sur la rue Saint-Louis, où le directeur général de l’établissement, Pierre-Olivier Gingras, nous accueille avec un enthousiasme chaleureux et communicatif. D’entrée de jeu, on nous gâte en nous servant un verre de Barolo rouge. Et voici qu’arrive ce qui sera – je vous le dis d’emblée – ce qui sera MON coup de cœur. Le serveur pose l’assiette et, tout de suite… je crois halluciner. Des frites croustillantes accompagnées de morceaux de fromage 1608 de Charlevoix (juste pour ça, ça vaut le détour!) et d’une sauce à base de lardons, prosciutto et de bourbon Jack Daniel’s. Cette sauce est divine: le chef utilise la même pour le filet mignon! Si ce n’était que ça, ce serait déjà formidable. Mais voici la cerise sur le sundae : au centre de la poutine est posée une délicieuse fondue parmesan! La présentation du mets à elle seule suscite l’acclamation de la tablée. Si le visuel séduit, le goût de l’ensemble des ingrédients de cette poutine rassemblés en une seule bouchée finit de me convaincre. Mes papilles gustatives papotent à souhait! Créativité, originalité, goût… tout y est, et même plus. L’odeur est sublime, l’accompagnement avec le vin est parfait. Mon verdict : cette poutine vaut vraiment le détour et de toutes celles que j’ai goûtées, c’est ma préférée. (D. CORRIVEAU)

Chic Shak

15, rue du Fort, Québec, (418) 692-1485
Photo: Jessica Landry, 2016

Photo: Jessica Landry, 2016

Les délégués de la Poutine Week se retrouvent au Chic Shack, où l’on nous attend avec la Pout-Inde. Le plat qui arrive sur la table est coloré et vraiment appétissant, et on se jette dessus avec joie. Il faut dire qu’on capote dès la première bouchée : la sauce crémeuse au garam masala est vraiment incroyable et se marie à merveille avec l’ensemble. Le poulet façon tandoori est délicieux et chaque élément de la poutine apporte une nouvelle surprise, mais la sauce est vraiment ce que je retiens de l’ensemble de l’œuvre. Chaque bouchée provoque la même réaction : WOW. La coriandre ajoute un goût vraiment frais qui nous plaît particulièrement et qui nous donne presque (j’ai bien dit presque) l’impression de manger quelque chose de santé. On apprécie également le petit « kick » piquant qu’on retrouve à chaque bouchée. La seule petite chose qu’on trouve à dire, c’est qu’on avait pas vraiment l’impression de manger une poutine au final, mais plutôt un plat indien «de style» poutine. Quand même, c’est un maudit bon plat indien de style poutine! Une grande gagnante dans la catégorie «Ce n’est pas vraiment une poutine, mais on est bien content pareil». Est-ce que je vais retourner la manger? Définitivement. (J. LANDRY)

Le Sam Bistro évolutif

1, rue des Carrières, Québec, (418) 692 3861
Photo: Jessica Landry, 2016

Photo: Jessica Landry, 2016

cferland-coupcoeurgourmandAu très chic Sam Bistro évolutif au Château Frontenac, le groupe s’apprête à déguster la Vladpoutine. J’avais vraiment super hâte de faire cette dégustation et je n’ai pas été déçue! Cette poutine se révèle être mon grand coup de cœur de la soirée… et la compétition était somme toute assez féroce! J’adore l’idée du fromage en grains fumé et des champignons en pickles, qui ont vraiment gagné mon cœur (je raffole de tout ce qui est fumé et particulièrement de tout ce qui est pickle). La viande, la sauce, et même l’intriguant œuf mauve qui donne à la poutine un look qui en jette vraiment, tout est bon. Chacun des éléments de cette poutine est une surprise et se démarque en goût et en texture, tout en «fittant» merveilleusement bien avec le reste. Dans la catégorie « C’est bel et bien une vraie de vraie poutine », c’est une grande gagnante. En fait, je réalise que je n’ai pas vraiment envie d’écrire sur cette poutine, mais plutôt de retourner immédiatement la manger. Définitivement, une poutine d’action donc, que je vous invite à aller essayer par vous-mêmes! Je termine par une série de hashtags : #miam #wow #poutinegastronomique. (J. LANDRY)

Pain Béni

24, rue Sainte-Anne, Québec, (418) 694-9485
Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

Au Pain Béni, nous dégustons la Poutine blanquette. La particularité de celle-ci? La sauce est montée au beurre de homard! Douce saveur aux essences marines. Vous cherchez la meilleure version des frites-sauce brune-fromage en grain? Venez au Pain-béni! La portion est généreuse et le tout est vraiment bien exécuté, même si la Poutine ne sort pas complètement de l’ordinaire. La sauce est onctueuse et enveloppante a souhait! On retrouve de bons morceaux de veau, avec des carottes et du céleri, très tendres. Une vraie réussite d’un classique peu dénaturé. Un bonheur! Le tout servi avec des bières québécoises. Si vous aimez les India Pale Ales, goutez à la Corne du diable de la microbrasserie Dieu du Ciel : elle a le côté surette et relevé d’une IPA tout en étant très florale. Le tout accompagne bien la poutine blanquette du Pain Béni. (L. FISCHER-ALBERT)

C’est Pain Béni que l’on nous présente une version «poutine» de la blanquette de veau, avec une sauce à la crème de homard, fromage en grains et légumes. La présentation est magnifique et vraiment appétissante, une des plus réussies de la soirée d’ailleurs. Juste à la regarder, j’ai le goût de m’emballer dans une couverte sur le coin d’un feu et de regarder la neige tomber de façon nostalgique en mangeant un délicieux plat cuisiné maison, avec un gros verre de vino. Lorsqu’on s’attaque véritablement au plat, par contre, on est un peu confus sur les origines. Pour ma part, je cherche vraiment le goût de blanquette de veau que ma mère cuisinait quand j’étais jeune. Il faut dire que j’étais vraiment vendue à l’idée d’une poutine à la blanquette de veau, rencontre culinaire fantastique entre mes origines québécoises et françaises. Ma nostalgie culinaire d’immigrante de deuxième génération fut immédiatement déçue. Oui, il y a bel et bien des morceaux de veau, mais oubliez la blanquette. C’est plutôt la sauce au homard qui prend toute la place, ce qui fait d’ailleurs dire à mon chum qu’il a l’impression de manger une «super bonne coquille St-Jacques, mais avec un extra patates». Il faut dire que mon chum vient du Bas-du-Fleuve, alors le homard vient particulièrement le chercher. À force d’y goûter, on ne sait plus trop ce qu’on mange: on est full secoué dans nos repères identitaires, même si c’est vraiment bon. Veau, frites, légumes, fromage, homard… Ça marche étonnamment bien mais ce n’est pas, selon nous, ni une poutine, ni quelque chose qu’on est capable de nommer : est-ce une coquille St-Jacques sur frites? est-ce un ragoût avec du fromage en crottes dessus? est-ce un oiseau? un est-ce Superman? Encore à ce jour, on se pose la question. Un plat qui est vraiment un enfant de son époque donc, éclaté et ouvert sur le monde, mais qui se demande où il va et d’où il vient vraiment. (J. LANDRY)

Côtes-à-Côtes Resto Grill

21, rue Sous le Fort, Québec, (418) 692-5151

Arrêt au Côtes-à-Côtes Resto Grill pour déguster la Poutine Bourguignonne. Je dois avouer que mes attentes étaient plus basses pour cette poutine, cet endroit étant pour moi un peu catalogué «restaurant pour touristes». Comme j’ai été agréablement surprise et j’ai dû admettre combien j’étais «dans le champ»! Proposée comme une poutine qui revisite un grand classique culinaire, le bœuf bourguignon, la poutine Bourguignonne est un pari vraiment réussi. C’est un plat réconfortant et plein de goût que je vous conseille vraiment d’aller essayer. La viande est délicieuse et la sauce au Jack Honey, parfaite. Un gros coup de cœur pour les champignons sauvages du Québec et les oignons perlés à l’érable, qui complètent le tout à merveille. On a l’impression de manger un délicieux rôti de notre grand-mère, cuit longtemps et avec amour, avec un extra poutine qui est vraiment plaisant. Avec un bon verre de vin, c’est le bonheur total. D’ailleurs, on apprécie que les frites soient bien crunchy et on décerne à ce resto notre mention spéciale «frite» de la soirée. Un clin d’œil à l’accueil incomparable et exceptionnel que nous avons reçu, ainsi qu’au fait que le resto met en valeur des aliments québécois également. Le seul petit petit hic: on a trouvé que la poutine manquait un peu de fromage. Prends ça en note pour la prochaine fois, grand-maman! Quand même, une poutine que je retournerai certainement manger durant la Poutine Week. (J. LANDRY)

Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

cferland-coupcoeurgourmandLa poutine du Côtes-à-Côtes se classera assurément parmi les meilleures de la semaine. Je n’ai pas goûté aux 63 poutines, mais je considère que j’ai tout de même de l’expérience, et la Poutine Bourguignonne risque de rafler la couronne (et pas celle de Reine du Carnaval!). Le rôti de bœuf au vin rouge de grand-mère, mijoté pendant 8h au cours de la nuit, est tendre à en pleurer. On y retrouve une sauce parfaite et extrêmement goûteuse. En complément, nous découvrons des champignons, lardons et mini oignons surettes. Les champignons sont savoureux, ce qui signifie que la sauce est équilibrée! Les frites sont croustillantes et faites maison. Un pur délice, j’irais même jusqu’à dire que c’est la meilleure poutine que j’ai goûtée!  Servie avec un bon verre de merlot par un proprio enthousiaste qui a réussi un accord poutine et vin, la bourguignonne donne envie d’ajouter du fromage en grain à mon prochain bœuf bourguignon. (L. FISCHER-ALBERT)

Q de sac

10, rue du Cul de Sac, Québec, (418) 692-4862
Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

Photo: Léa Fischer-Albert, 2016

On termine le périple de dégustation dans l’ambiance feutrée et chaleureuse du Q de sac. Dès qu’on met les pieds dans le resto, on se sent au chalet, avec une bonne odeur de feu de bois qui nous accueille, shooters et match du Canadien en prime. La poutine par contre nous transporte plutôt sur une terrasse, en été. Étrange, mais pas déplaisant du tout. C’est une poutine déconstruite, qui met de l’avant des boules de pommes de terre frites (plutôt que des frites comme telles) et du fromage en grains… pané. Beaucoup de friture donc, une chance qu’on a un peu de roquette et de crème sure pour apporter de la fraîcheur à l’ensemble. La crème sure fumée est d’ailleurs une addition vraiment intéressante qu’on apprécie beaucoup, mais on en aurait pris un peu plus dans l’assiette. Les cubes de bacon fumé sont également une belle idée et la sauce est bonne, quoique un peu surpassée par tout cette friture. Encore une fois, c’est vraiment bon, mais ce n’est pas vraiment une poutine. Pas nécessairement un coup de cœur donc, mais plutôt un bon plat original qu’on prendrait du plaisir à remanger l’été sur une terrasse, avec une bonne IPA! (J. LANDRY)

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Vous aviez manqué les premiers billets pour la Poutine Week de Québec? Relisez ma (très, très brève) histoire de la poutine, ainsi que les critiques/appréciations des Parcours #1, Parcours #2, Parcours #3 et Parcours #4! 😉

Collaborateurs pour ce parcours

Dave CORRIVEAUGrand amateur de poutine devant l’éternel et disciple épicurien de la maxime «bonne bouffe, bon vin et bonne compagnie».

Catherine FERLAND – Originaire du Lac-Saint-Jean, maman de trois enfants (aussi amateurs de poutine qu’elle-même), historienne gourmande, fière Québécoise et heureuse propriétaire du présent blogue.

Jessica LANDRY – Duchesse revengeante de Vanier 2015. La poutine est sa religion, le fromage en grains, son Dieu.

Léa FISCHER-ALBERT – Beauportoise de naissance, « St-Sauvée » par choix! Passionnée de théâtre, de bonne bouffe et de rires aux éclats. Gestionnaire d’une compagnie de théâtre jeunesse et blogueuse, elle s’intéresse aux initiatives citoyennes et communautaires, aux arts, et encore plus à une combinaison des deux!

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Historienne, auteure et conférencière, Catherine Ferland est spécialiste d’histoire de l’alcool et de la gastronomie et, plus largement, d’histoire culturelle du Québec. Elle effectue des chroniques à la radio et à télé, en plus de faire des conférences et animations gourmandes aux quatre coins du Québec. Parmi ses ouvrages, mentionnons Bacchus en Canada. Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France (Septentrion, 2010) et La Corriveau, de l’histoire à la légende (Septentrion, 2014). Elle signe des critiques culinaires au journal Le Devoir et blogue au catherineferlandhistorienne.com.

Le champagne, Veuve Clicquot et nous

160 ans de présence de la célèbre maison champenoise au Québec

(Il s’agit de la version plus longue et étoffée d’un article préparé pour Le Devoir)
Photo: Catherine Ferland

Photo: Catherine Ferland

Voltaire affirmait que «la mousse pressée et l’écume pétillante» du champagne évoquaient l’image des Français. Boisson emblématique de l’impétueux siècle des Lumières, ce vin effervescent et joyeux est lié à la célébration, comme chacun le sait.

Ce qui est moins connu, c’est que Veuve Clicquot Ponsardin a été la première maison à expédier régulièrement des caisses de champagne au Québec dès 1855! Ces célèbres bouteilles sont, par conséquent, complices des meilleures tables d’ici depuis 160 ans.

Veuve Clicquot Canada a tenu à souligner avec panache ce vénérable anniversaire. Le 3 novembre, une cinquantaine d’invités prestigieux, gens d’affaires et membres de la presse gastronomique ont été conviés au Fairmont Le Château Frontenac.

La vie de château

Danse au Château Saint-Louis, 1801. BAC, 1989-472-1.

Danse au Château Saint-Louis, 1801. BAC, 1989-472-1.

Le choix du lieu n’était pas anodin. Bien campé sur le Cap Diamant, il s’agit du site même où s’érigeait autrefois le château Saint-Louis, centre du pouvoir et résidence des gouverneurs pendant plus de 200 ans. Depuis 1892, le Château Frontenac prolonge et confirme le prestige de ce site.

Si l’on tend l’oreille, peut-être entendra-t-on les échos des soirées réunissant toute la meilleure société. Ce brillant foyer de la vie sociale et culturelle était en effet le théâtre de plantureux repas, banquets et réceptions de toutes sortes… où le champagne présidait immanquablement!

Tiens: avant de parler de la splendide soirée donnée le 3 novembre 2015, une petite excursion dans le temps s’impose. Vous ne le regretterez pas, foi d’historienne! 🙂

Le champagne, de France à Nouvelle-France

Verre à pied. Photo : Marc-André Grenier/MCC/LRAQ.

Verre à pied. Photo : Marc-André Grenier/MCC/LRAQ.

Pendant les premières décennies de commercialisation du champagne, les bouteilles étaient trop fragiles pour voyager. On ne pouvait donc les déplacer en grande quantité ni sur de grandes distances. Or, le développement de bouteilles plus solides finit par rendre possible l’exportation de vin effervescent. l’arrêt du 25 mai 1728, Louis XV autorise le transport du champagne en paniers de 50 à 100 bouteilles. Cette décision royale ouvre toutes grandes les portes à ce vin fougueux.

On retrouvera donc du champagne à des centaines de kilomètres de la Champagne… et jusqu’en Nouvelle-France. Il faut dire que nos aristocrates locaux tentent le mieux possible de calquer le mode de vie de la Cour de Versailles, affichant entre autres des manières de table raffinées. Lorsque, après 6 à 8 semaines de transport par bateau, les précieux flacons arrivent au port de Québec, ils trouvent aussitôt preneurs. Et ce, même si le champagne vaut trois fois plus cher que le vin «ordinaire» et deux fois plus cher que meilleurs crus de Frontignan ou de Graves! Les maisons champenoises commerçant avec le Canada ne sont malheureusement pas connues.

Le déjeuner d'huîtres (1735).

Le déjeuner d’huîtres (1735).

À défaut d’une œuvre illustrant nos nobles buveurs de la Nouvelle-France, ce détail du tableau Le déjeuner d’huîtres de Jean-François de Troy (1735) montre bien la dimension élitiste et festive du champagne. Il s’agit d’ailleurs de la première figuration du champagne dans l’iconographie du 18e siècle!

Le retour des bulles

Si le champagne est présent par intermittence vers du Régime français, il se raréfie après la Conquête. En effet, aux difficultés inhérentes au transport transatlantique s’ajoutent d’importantes contraintes commerciales : la France, nation ennemie de la Grande-Bretagne, n’est pas la bienvenue dans la vallée du Saint-Laurent. Hormis quelques initiatives personnelles, les échanges entre le Canada et son ancienne mère-patrie sont presque inexistants.

cferland-menu-bal-belveze-1855Les choses sont appelées à changer au milieu du XIXe siècle, pour deux raisons.

Tout d’abord, en 1849, le gouvernement britannique abolit les lois interdisant aux navires étrangers de naviguer en eaux canadiennes. Ensuite, en 1855, en pleine guerre de Crimée, Français et Britanniques font alliance contre les Russes.

Ce rapprochement favorise la reprise des relations diplomatiques et commerciales avec la France, symbolisées par la venue de la corvette française La Capricieuse, accueillie en grande pompe dans la vallée du Saint-Laurent à l’été 1855. Du champagne de la maison Ruinart est d’ailleurs servi à cette occasion, comme nous l’apprend le menu du bal offert en l’honneur du capitaine Belvèze.

Veuve Clicquot et le Canada

Photo: Catherine Ferland

Photo: Catherine Ferland

Jointe aux nouvelles possibilités amenées par l’industrialisation (songeons simplement aux bateaux à vapeur et aux chemins de fer!), l’ouverture du marché canadien profite aux négociants français les plus hardis, dont madame Clicquot.

Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin, dite Veuve Clicquot (1777-1866), est une personne d’affaires avisée et visionnaire. Dans une lettre datée du 24 février 1855, madame Clicquot explique être « toute disposée à expédier, à titre d’essai » ses meilleurs champagnes au Canada, afin de «propager la réputation de ma marque dans vos contrées. » Dans les mois qui suivent, 25 caisses de Veuve Clicquot Ponsardin sont envoyées à Québec, et tout autant pour Montréal.

L’élite canadienne, aussi bien d’ascendance française que britannique, raffole de ce vin de fête. Les bouteilles de Veuve Clicquot sont de tous les repas gastronomiques, aux côtés du homard, des huîtres, des pintades et autres mets raffinés.

Bien sec, s’il-vous-plaît

cferland-clicquot-carton-jaune-brutFait intéressant, on connaît les préférences des Canadiens en matière de champagne… grâce à madame Clicquot elle-même! Dans sa correspondance d’affaires, cette dame avisée n’hésitait pas à s’enquérir des goûts locaux : « êtes-vous convaincu qu’il est essentiel qu’un vin soit sec et corsé pour réussir chez vous? » demandait-elle sans détour à l’un de ses agents au Canada.

C’est ainsi que, dans les années 1870, on trouvera ici du Veuve Clicquot doux et du Veuve Clicquot brut!

Vin de prestige

Doux ou sec, le champagne est toujours présent aux meilleures tables du Canada. Il est aussi omniprésent lors des visites de la famille royale. Ainsi, c’est du Veuve Clicquot 1928 qui sera servi à l’occasion de la visite officielle au Canada du roi George VI et de son épouse en 1939. Et en 1951, lors du premier voyage officiel au Canada de la princesse Elizabeth (future souveraine) et de son époux, le choix se porte encore vers la célèbre maison champenoise pour désaltérer agréablement Leurs Majestés… au Château Frontenac!

Un pétillant programme

Photo: Karel Chladek pour Veuve Clicquot

Photo: Karel Chladek pour Veuve Clicquot

Le 3 novembre dernier, afin de refléter cette belle histoire, une partie du groupe des invités de Veuve Clicquot Canada a quitté Montréal à bord d’un wagon prestigieux de Via Rail pour se rendre à Québec. Après une petite promenade à pied dans les rues du Vieux-Québec, ces invités ont emprunté le funiculaire pour atteindre la terrasse Dufferin, juste aux pieds du Fairmont Le Château Frontenac.

Du champagne et un goûter ont été offerts dans la verrière donnant sur le fleuve, moment au cours duquel j’ai eu l’honneur de donner une miniconférence sur l’histoire du champagne au Québec. Vous retrouvez d’ailleurs l’essentiel de mes propos ici, dans le présent billet! 😉

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Photo: Karel Chladek pour Veuve Clicquot

Dès 18h30, c’est en présence de personnalités québécoises et notamment de femmes d’affaires prestigieuses – citons mesdames Lise Watier et Charline Ratté – que le cocktail au Veuve Clicquot Rosé a été servi au Salon Rose du Fairmont Le Château Frontenac. J’ai eu la chance de discuter assez longuement avec monsieur Dominique Demarville, chef de cave de la maison Veuve Clicquot.

Le groupe s’est ensuite rendu dans le Cellier afin d’y déguster un repas gastronomique inspiré de celui offert à la reine Elisabeth lors de sa visite au Québec en 1959… arrosé de quatre vins de la maison Veuve Clicquot Ponsardin: le rosé, le blanc millésimé 2004, le brut carte jaune et le demi-sec. Des «tableaux» musicaux – Technopéra, de Bellita Productions – ponctuaient les services avec raffinement et originalité.

J’ai eu le vif plaisir de faire la connaissance de madame Fabienne Moreau, historienne chez Veuve Clicquot, et aussi de rencontrer plusieurs personnalités influentes de la scène culturelle, gastronomique et numérique, telles que Carrie MacPherson, Héloïse Leclerc, Camille Dg, Marie-Claude Di Lillo, Lolitta Dandoy… sans oublier l’ineffable Allison Van Rassel, foodie à la barre de Ça goûte bon! 😀

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Madame Clicquot aura été une figure d’entrepreneuriat féminin hors du commun, dépassant largement les frontières de la Champagne, de la France et de l’Europe à une époque où les possibilités offertes aux femmes connaissaient plutôt une régression. Quand on y songe, c’est un joli retour des choses pour ce vin qu’on a toujours considéré comme si bien approprié aux femmes. Après tout, comme l’aurait affirmé la marquise de Pompadour, le champagne est «le seul vin qui conserve la beauté d’une femme»!

Bises.

Catherine

Historienne, auteure et conférencière, Catherine Ferland est spécialiste d’histoire de l’alcool et de la gastronomie et, plus largement, d’histoire culturelle du Québec. Elle participe régulièrement à des émissions de radio et de télé, en plus de faire des conférences aux quatre coins du Québec. Parmi ses ouvrages, mentionnons Bacchus en Canada. Boissons, buveurs et ivresses en Nouvelle-France (Septentrion, 2010) et La Corriveau, de l’histoire à la légende (Septentrion, 2014), gagnant du Prix littéraire du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean 2015 et finaliste aux Prix littéraires du gouverneur général 2014 ainsi qu’au Prix Jean-Éthier-Blais 2015.  Elle blogue au catherineferlandhistorienne.com et signe des critiques culinaires au journal Le Devoir depuis 2012.